Bonjour à toutes et tous
«Qui contrôle le passé,
contrôle le futur; qui contrôle
le présent, contrôle le passé»
George Orwell, 1984.
Voici la phrase mise en avant par quelques
archéologues israéliens.
Nous avons participé à un tour
archéologique alternatif dans le site
de Silwan. Notre guide est un archéologue
israélien faisant partie d’un collectif
d’archéologues (en fait, ils sont
trois…) et de résidents de Silwan.
…Tout au long de ses propos, l’archéologue
mettra l’accent sur plusieurs points qui
sont les buts de leur collectif: dénoncer
le type d’archéologie tel qu’il
est réalisé à Silwan, que
ce soit dans l’interprétation des
données mais surtout le fait que les
habitants ne sont absolument pas pris en compte
dans l’aménagement des fouilles
et du site. A cela rien de très étonnant,
puisqu’au début des années
1990, le Ministère des Antiquités
israélien a «délégué»
la responsabilité du site – et
donc la compétence scientifique des fouilles
– à une organisation privée
fondation privée dont le but clairement
énoncé est d’assurer la
judaïsation de Jérusalem est et
de Silwan en particulier. C’est donc cette
organisation qui décide où et
quand les fouilles doivent être effectuées
et… ce qui doit y être trouvé.
C’est sur ce site à deux pas de
l’entrée de la vieille ville que
Jérusalem fut fondée. Les colons,
eux, s’intéressent surtout à
quelques vestiges que des interprétations
archéologiques (d’ailleurs jamais
publiées dans la presse scientifique)
ont un peu hâtivement déclaré
être les restes du Palais de David. Sous
prétexte de fouilles archéologique
et/ou en faisant largement usage de la loi sur
le bien des absents, les appropriations de maisons
palestiniennes sont à l’ordre du
jour. En plus de l’annexion des maisons,
les colons veulent également créer
un grand parc archéologique pour les
touristes (avec parkings et notamment un tunnel
liant le bas du site au mur des lamentations),
cela aura un impact terrible pour les habitants
de Silwan qui ne sont pas pris en compte dans
les projets, ils n’existent même
pas aux yeux des colons. Actuellement, 300 colons,
soit 30 à 35 maisons occupées,
sont présents dans le village palestinien.
Notre
circuit commence à l’intérieur
du parc archéologique de la «Cité
de David». Implanté au milieu du
village de Silwan, ce parc est actuellement
en cours de fouilles. Nous sommes bien sûr
frappés par le côté luxueux
du parc, tout est vert, bien aménagé,
calme…Un réel contraste avec l’agitation
du village palestinien mais surtout la pauvreté
des habitants. On nous racontera plus tard,
que Silwan est devenu le village le plus pauvre
de Jérusalem est, alors qu’avant
1967 ses terres s’étendaient jusqu’à
Jéricho. Nous nous arrêtons devant
des fouilles qui sont effectuées sous
la direction de l’archéologue israélienne
Eilat Mazar…Notre guide nous explique
que jusqu’à présent aucune
preuve archéologique permettant d’attribuer
les vestiges au royaume de David, n’a
été trouvée. Je me souviens
d’une interview de l’archéologue
Israël Finkelstein au moment ou Mazar déclarait
avoir découvert un mur de la cité
de David…Ce dernier était perplexe
sur les affirmations de sa collègue,
et il regrettait le fait que les données
passent dans les médias et fassent la
Une des journaux avant d’avoir été
vérifiés et discutés en
comité scientifique. Notre guide regrette
aussi le fait que les fouilles soient effectuées
dans le but de prouver l’existence d’une
grande figure de la Bible (je n’ai pas
envie de dire Histoire, lui non plus) plutôt
que d’étudier la vie et la culture
des habitants.

colonies au coeur
de Silwan
Les colons d’Elad sont implantés
au cœur du village de Silwan. Là
encore, la richesse de leurs résidences
contraste avec la pauvreté des maisons
palestiniennes. Ils habitent dans des maisons
palestiniennes entièrement rénovées,
les Palestiniens eux, ne reçoivent pas
les permis nécessaires pour faire des
travaux. Nous rencontrons un habitant de Silwan
qui nous parle des exactions, des violences,
des manipulations judiciaires de la part des
colons. Il nous parle aussi de la peur, des
arrestations, de la présence de la milice
privée des colons, des colons armés,
des caméras de surveillance installées
dans le village….et aussi des absurdités
pour rendre la vie des Palestiniens un peu plus
difficile, comme l’interdiction aux commerçants
de vendre des fruits et légumes dans
leur magasin. Lors des fêtes juives et
autres évènements israéliens,
la zone près de la Cité de David
est fermée aux palestiniens, ils sont
assignés à résidence.
Nous croisons lors de notre périple
plusieurs de ces colons: groupes d’hommes
revenant de la prière, une femme seule,
une famille parfaite et détendue….
Nous passons près d’une grande
maison, bien entretenue, un poste de surveillance
avec un gardien à l’entrée,
des caméras, et bien sûr le drapeau
israélien. A côté une maison
palestinienne, les volets clos, une atmosphère
de tristesse et de peur s’en dégage.
Plus loin, une maison palestinienne dont les
restaurations sont interrompues car illégales,
par contre, à proximité, une maison
de colons est en pleine rénovation, ils
sont pourtant illégaux, non!?
Plusieurs zones de fouilles sont répartis
dans tout le village, une fouille est implantée
sur un chemin emprunté par des enfants
du village pour se rendre à l’école,
ils doivent maintenant faire un grand détour
pour éviter les fouilles et les colonies
et passent par une route dangereuse car de grande
circulation. Chaque fouille est recouverte de
grandes bâches,
entourée
de murs de tôles, rien n’est visible,
les Palestiniens ne doivent pas voir ce qui
est aussi leur pass! Un projet de parc naturel
est en cours dans le bas du village sur une
zone qui soi-disant représente le site
d’un jardin mentionné dans la Bible.
Les colons veulent détruire une partie
du village palestinien et il y de fortes chances
pour qu’ils finissent par y parvenir.
Les maisons palestiniennes sont pour la plupart
construites illégalement, les habitants
n’ont pas le choix, les permis de construire
ne leur sont pas accordés par les autorités
israéliennes. Pour l’instant, le
projet est bloqué suite à une
intervention auprès de la Haute Cour
de Justice, mais qui sait ce que réservera
l’avenir? En attendant, les fouilles continuent
dans tout le village et avec elles les confiscations
de maisons et l’établissement de
nouvelles colonies. Si l’on en croit Elad
eux-mêmes, plus de 60% des maisons leurs
«appartiendraient» déjà,
ils n’attendent que d’en prendre
position.
De retour vers les murailles de la vieille
ville à la fin de la visite, nous prenons
congé de notre guide. Son collectif milite
pour que les fouilles soient reprises des mains
de Elad, une pétition (sur leur site)
a déjà été signées
par de nombreux archéologues. En attendant,
on continue à raconter des légendes
aux quelques 350'000 (!) touristes qui visiteraient
le site chaque année, sans souci pour
l’exactitude archéologique et la
diversité de l’Histoire de Jérusalem.
En attendant aussi, l’archéologie
continue à être mise au service
de la colonisation…
Vous trouverez plus d’informations sur
le collectif d’archéologues sous:
www.alt-arch.org.
Ils ont des liens vers de nombreux articles
sur Elad. Si le cœur vous en dit, allez
aussi voir le site (en papier glacé…)
de Elad (Ir David): www.cityofdavid.org.il
L’une de leurs principales initiatives
est le «développement résidentiel»,
entendez bien que ce n’est pas les habitants
palestiniens qui sont visés…
Sandrine