Voici en quelques photos, et ça se passe
de longs commentaires, le dernier vendredi de
ramadan au check point de Bethléem - il
faut imaginer bien pire à Qualandia. Ils
ont fermé le check point jusqu’à
10h00, puis d’un seul coup, ils ont levé
les barrages et ont laissé passer les Palestiniens,
d’où une cohue monumentale. Plusieurs
ambulances étaient présentes car
il y avait beaucoup de personnes âgées.
Parfois des personnes pour sortir de la foule
ont passé des barbelés, des murets…Pour
être sûr que les personnes sortent
bien et ne passent pas par un autre endroit, les
soldats confisquent les papiers et, comme pour
mener un âne avec une carotte, ils agitent
les papiers devant la personne jusqu’à
ce qu’elle se trouve à un endroit
qui lui convienne. Puis il balance les papiers…J’ai
vu de jeunes soldats bousculer de vieilles personnes,
hurler et brailler après les Palestiniens.
Je
voulais aussi vous dire quelques mots sur le Terminal
300 – check point – de Bethléem,
j’aimerais pouvoir vous décrire de
façon la plus compréhensible possible
toute l’inhumanité et l’humiliation
qui se cache derrière ce hangar emprunté
chaque jour par les travailleurs Palestiniens
qui se rendent en Israël. C’est en
fin de semaine passée que j’ai passé
aussi le check point pour me rendre à Jérusalem.
Cela faisait longtemps et je n’avais pas
traversé le mur par le check point piétonnier
et j’ai pu en « apprécier »
les nouveautés technologiques!
Il faut tout d’abord passer le mur par
un système de couloir grillagé avec
«entrée» et «sortie»
puis on se retrouve sur une place, sous un panneau
«la paix est avec vous» en différentes
langues (ça c’est l’humour
israélien). A noter qu’au pied de
ce panneau, se trouve un petit espace grillagé,
ou parfois ils enferment pendant plusieurs heures
de jeunes Palestiniens. Puis
le jeu de piste commence! Faut déjà
trouver l’entrée du hangar, et là
faut mieux suivre les Palestiniens pour ne pas
se perdre et risquer de se trouver dans un endroit
où l’on pourrait avoir des ennuis.
Puis c’est un dédale de couloir,
de tourniquets et on arrive à une file
d’attente. Au dessus de nos têtes
un soldat sur une passerelle qui bâille
ou téléphone bruyamment. C’est
propre, avec des toilettes et des panneaux: interdit
de fumer, gardez l’endroit propre, ayez
une agréable journée… Puis
on arrive à un tourniquet qui ne fonctionne
pas automatiquement, il faut attendre qu’une
petite lumière rouge verte s’allume.
Puis on se retrouve dans une salle avec une machine
à rayons (les mêmes que dans les
aéroports), on passe les sacs, là
les hommes doivent vider leurs poches, enlever
leurs chaussures et leurs ceintures. Pendant cette
phase, à part des braillements dans un
haut parleur, pas la moindre trace d’une
présence humaine - planquée derrière
une vitre teintée ou dieu sait où!
Puis de nouveau des couloirs, y’a intérêt
à rester avec un Palestinien… au
sol, dans les endroits où il ne faut apparemment
pas passer un sorte de gel collant, d’après
mes déductions pour détecter d’éventuelles
traces de pas (digne d’un film d’espionnage).
Et là on touche au but, enfin presque…
plusieurs guichets mais un seul ouvert pour les
deux sens: entrée et sortie, très
pratique pour embêter un peu plus…
De
nouveau un petit tourniquet (comme dans les métros).
On doit présenter une pièce d’identité
à un soldat qui passe ses journées
au téléphone, à dormir ou
se faire les ongles (pour les femmes bien sûr).
A chaque passage, aller et retour, les Palestiniens
doivent mettre leur main à plat dans une
machine, puis il attend le vague signal du soldat
pour passer… je pense un détecteur
d’empreinte… Mais bon, je n’y
connais pas grand-chose, je ne regarde pas les
James Bond… Puis enfin la sortie!!! Et chaque
jour, le même rituel pour des centaines
de Palestiniens ici ou à Qalandia.
Le contexte n’est vraiment pas toujours
évident à vivre… non pas pour
des raisons sécuritaires, mais parce qu’on
veut faire au mieux! Et chaque chose devient une
crise de conscience, c’est assez fatiguant.
Des exemples assez banaux mais qui se répètent
souvent. Prenons l’exemple de l’anniversaire
de mon fils. On veut faire une fête avec
ses camarades de classe, et là commence
le parcours du combattant: le choix du lieu, Bethléem
ou Jérusalem? Si c’est à Bethléem,
la plupart de ceux de Jérusalem ne peuvent
pas venir, et vice versa! Donc on prend l’option
Jérusalem et on fait le transport et passage
de check point avec les enfants dont les parents
ne peuvent pas franchir le mur. Puis le choix
du lieu à Jérusalem: politiquement
correct, propre, accessible, c’est carrément
difficile (toujours avoir une carte sous la main,
faire quelques recherches dans le guide ou sur
internet)… Un autre exemple: ce week-end
on est allé à Latrun (monastère
où ils produisent du vin). Et c’est
le choc, ce bout de terre palestinienne passé
de l’autre côté du mur, est
devenu le lieu de ballade des Israéliens
le week-end, tout est marqué en hébreu,
des stands d’artisanat et là de nouveau
un cas de conscience pour nous: un stand avec
de magnifiques marionnettes originales. Toute
la famille fond littéralement devant ces
marionnettes artisanales… mais on ne craque
pas, ces stands sont comme des colonies pour nous.
On explique tant bien que mal à notre fils
notre vison, et ça passe plus ou moins
bien… on se promet de ne plus mettre les
pieds à cet endroit. Toujours et encore
devoir faire la part des choses, savoir ou l’on
est, ou l’on va et essayer de deviner ce
que l’on va trouver.
J’aurais voulu finir sur une note positive
en vous parlant du festival qui s’est tenu
à Hébron dimanche passé pour
l’Eid el Fitr. Malgré quelques contestations
de personnes qui trouvaient que «la présence
de clowns faisait trop chrétien»
(sans commentaire) les enfants se sont bien amusés,
nous on est arrivé un peu trop tard…
Mais j’ai été choquée
de voir dans toute la ville, tous les enfants
(des tous petits jusqu’aux adolescents),
qui jouaient avec de faux révolvers, mitraillettes,
etc. La société palestinienne a
encore du chemin à faire! Le contexte est
déjà tellement violent pour tous
ces enfants, comment les parents peuvent-ils encore
leur acheter ce type de jouet. De plus c’est
très dangereux - il n’y a pas très
longtemps, un enfant a été tué
à Hébron par des soldats car il
jouait avec une fausse arme.
Nous sommes restés un moment au bureau
de la TIPH en vieille ville…Dans la rue
notre fils a joué avec un nouveau copain,
Mahmoud, petit garçon de 8 ans vivant dans
le quartier… Au bout d’un moment,
il nous explique que son père est en prison
depuis plus d’un mois et que sa mère
est seule pour s’occuper de lui et de ses
sept ou huit frères et sœurs!!! Encore
et toujours la réalité qui nous
saute au visage…
Y’a quelques temps «visite»
de Tony Blair à Hébron, aujourd’hui
Condolezza Rice à L’église
de la Nativité de Bethléem…
Que du beau monde en Palestine… Bientôt
le nouveau sommet à Annapolis - tous à
vos atlas… Sommet dont personne ne parle
ici… car bien évidemment, rien ne
change, la situation restera la même pour
les Palestiniens!!!!
A bientôt
Sandrine