Naplouse, le 28 juin 2006
Dans le cadre d’une mission du Collectif
Urgence Palestine en Cisjordanie du 19 juin au
2 juillet 2006, trois membres de la mission ont
accompagné un avocat palestinien dans l'un
des deux tribunaux militaires mis en place par
Israël, celui de Beituniya, en tant qu’observateurs
internationaux. Ces tribunaux sont des tribunaux
d'exception tout comme ceux de Guantanamo.
Cette visite a pris tout son sens suite à
l'enlèvement d'un soldat israélien
dans la Bande de Gaza lundi 26 juin et à
la proposition émanant des Comités
de la résistance populaire de le libérer
en échange de tous les enfants et femmes
incarcérés dans les prisons israéliennes.
Le gouvernement israélien n’est pas
entré en matière...
A Beituniya, ces personnes ont été
écœurées par la façon
dont les familles et les accusés palestiniens
sont traités par les militaires israéliens.
Lors de leur visite de 3 heures dans ce tribunal
militaire, les observateurs ont pu mesurer la
situation dramatique des enfants emprisonnés
et les procès totalement illégaux
qui leur sont réservés au regard
de la Convention des droits de l'enfant des Nations
Unies (ratifiée par Israël en 1991).
Ce pays considère comme adulte des enfants
entre 16 et 18 ans en vertu du Military Order
132 – alors que leurs propres nationaux
ne sont majeurs qu’à 18 ans. Si la
Convention des droits de l'enfant stipule que
pour des mineurs la peine doit être la plus
courte possible pour avoir un effet maximal sur
l'esprit et la mentalité de l'enfant, ici
elle tend à s'allonger de plus en plus
sans lien direct avec la gravité de l'acte
présumé ou exécuté.
Par ailleurs, les procureurs et juges militaires
ne sont pas formés pour juger des enfants.
Ce sont les mêmes juges pour les enfants
et les adultes. Les trois observateurs ont appris
qu'un des procureurs ignorait même l'existence
de la Convention des droits de l'enfant.
Les Conventions de Genève ratifiées
par Israël en 1951 sont également
bafouées, car en tant que pays occupant,
Israël n'a pas le droit de mettre en place
des tribunaux d exception et, le cas échéant,
il doit garantir certaines conditions d'incarcération,
ce qu'il ne fait pas. Par exemple, les enfants
n’ont pas accès à la formation
sauf aux cours de mathématiques, d’hébreu
et d’anglais – les cours de religion,
d’histoire et de géographie sont
interdits, car ils menaceraient « la sécurité
de l’Etat d’Israël » (sic
!). Ces cours sont dispensés sans tenir
compte de l’âge des enfants et dans
des classes atteignant parfois 80 élèves.
Ces enfants sont régulièrement maltraités,
humiliés, menacés de mort et sont
parfois abusés sexuellement.
Selon l’organisation Defence Child International
(DCI), les détenus mineurs peuvent être
privés de nourriture, de sommeil et empêchés
d'aller aux toilettes. De plus, ces enfants sont
incarcérés avec des prisonniers
de droit commun. L'avocat palestinien a mentionné
que de nombreux enfants n'osaient plus sortir
de leur cellule pour aller dans la cour de la
prison pendant “l’heure de promenade”
de peur d’être frappàs par
leurs gardiens. La visite des familles est rendue
très compliquée et tout contact
physique des enfants avec leurs parents est interdit.
De plus, selon la même organisation, la
plupart des confessions des détenus sont
obtenues sous les coups, les menaces ou par des
interrogatoires terrifiants menés en hébreu
ou dans un mauvais arabe.
Actuellement, il y a 400 enfants entre 14 et
17 ans qui sont emprisonnés par Israël.
Ils peuvent l 'être dès l’âge
de 12 ans… Les enfants plus jeunes sont
incarcérés jusqu'à ce que
leur âge réel soit prouvé
et, le cas échéant, peuvent être
libérés, à condition que
les parents payent l'amende requise. Il y aurait
une centaine de filles mineures incarcérées,
certaines même pouvant accoucher en prison.
Les motifs d'inculpation sont anachroniques
: allant du lancer de caillou contre des forces
israéliennes ou contre le Mur. Il est à
relever, que lancer des cailloux contre le Mur
est une infraction plus grave pour ces tribunaux
que de les lancer contre un bus… Un enfant
de 12 ans peut même être inculpé
pour appartenance au Hamas et le fait de porter
un simple couteau dans son cartable peut valoir
une peine pour attaque, voire tentative de meurtre.
Par ailleurs, du fait que ces tribunaux d'exception
ne suivent pas un système de normes légales,
les peines prononcés varient considérablement
selon le juge ou selon l’endroit.
Lors des quelques procès qu'ont pu suivre
les observateurs, il ressort que certains des
enfants avaient passé des mois, voire une
année avant que ne leur soit signifié
le motif de leur incarcération et d'être
juge. Les trois observateurs ont été
frappés de voir que l’ensemble du
processus se passe en hébreu et que les
traducteurs présents dans les salles d’audience
ne traduisaient au maximum que 40 % des questions
et des réponses.
Le cas particulier d'une jeune fille de 17 ans
a retenu spécialement leur attention. Cette
jeune fille désespérée et
en prise à des problèmes intra familiaux
dans le contexte violent de l'occupation, a menacé
d'une paire de ciseaux un soldat des forces israéliennes.
Elle est en prison depuis un an pour tentative
de meurtre et risque de ce fait 5 ans de prison.
Nous l’avons vue là, timide et réservée
dans le box des accusés, les pieds entravés.
Elle jette un coup d’œil et échange
un sourire avec son père assis au fond
de la salle. Son avocat a plaidé "tentative
d'attaque" et ce jour-là, il a obtenu
une réduction de peine pour cette jeune
fille. Une tentative d'attaque fait encourir au
minimum une peine de deux ans. Le juge militaire
n'a tenu aucun compte de l'état psychique
de la jeune fille et de la signification de son
geste lors de son arrestation. A la fin de l'audience
père et fille n'échangent qu’un
simple signe de la main à distance, ils
n’ont pas pu échanger un seule mot.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur
la charge émotionnelle qui régnait
parmi les 80 personnes retenues derrière
de hauts grillages en attente de voir leurs proches
jugés dans les huit grands containers utilisés
comme tribunal militaire par Israel.
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ce rapport sur les prisonniers, version à
imprimer [doc]
Pour tout contact s’adresser
au Collectif Urgence Palestine.