Dans son «Eclairage» du 31 mars,
où il nous livrait ses commentaires sur
les
activités de la diplomatie saoudienne,
M. Pascal Beariswyl qualifiait sans
nuance le Hezbollah de «sous-marin armé
des ambitions iraniennes dans la
région», occupé à asséner
des «coups de boutoir» au gouvernement
Siniora,
lequel ne doit sa survie qu'à «l'appui
saoudien». Nous voici donc éclairés:
il y a d'un côté le gentil gouvernement
légitime qui jouit de l'appui de la
communauté internationale, et de l'autre
le méchant groupe rebelle armé qui
sert les ambitions d'une puissance étrangère.
Donc, si je prétends que, même
s'il lui arrive de servir les intérêts
iraniens, le Hezbollah est d'abord et
essentiellement un mouvement de résistance
nationale, ou si je considère M.
Siniora comme une marionnette au service des intérêts
occidentaux, ou si je
dis qu'Israël est le porte-avions nucléaire
des ambitions états-uniennes
dans la région, c'est que je me situe dans
l'Axe du Mal. Ai-je bien compris?
Puis, avant-hier (lundi 23), je tombe sur l'article
où vous relatez les évènements
du week-end en Palestine: après une période
de relative accalmie (où les agressions
israéliennes n'ont fait «que»
un ou deux morts et une dizaine de blessés
palestiniens chaque semaine, civils et résistants
confondus), l'armée israélienne
a tué au cours de ce seul week-end neuf
Palestiniens. A la suite de quoi, le premier ministre
palestinien a exhorté la résistance
à ne pas baisser les bras. Titre de l'article:
"Flambée de violence israélienne
en Palestine"? Non. "Israël rompt
brutalement la trêve"? Non. "Frappes
meurtrières de l'armée israélienne"?
Non. Le titre c'est (attachez vos ceintures):
"Le Hamas déterre la hache de guerre
contre Israël".
Et hop! comme par magie, voici que c'est le Hamas
qui relance le cycle de la violence. J'espère
que vos lecteurs ont apprécié le
tour de passe-passe.
Mais il me restait une plus grosse couleuvre à
avaler, et c'est aujourd'hui
que le Courrier nous l'a servie, dans les brèves
de la page 11, sous le
titre: "La trêve a été
rompue". Je n'en cite que le
début: "Bande de Gaza. La trêve
israélo-palestinienne vieille de 5 mois
a
été rompue hier par les militants
du Hamas...". Ah bon? Est-ce à dire
que la
mort de neuf Palestiniens, ça compte pour
beurre? A votre décharge, on dira
qu'Israël n'a pas pu rompre la trêve,
puisqu'il ne l'a jamais vraiment
respectée...
Je suis tout simplement écoeuré.
Si c'est pour y lire que les responsables
de la violence sont les extrémistes palestiniens
qui refusent de se laisser
gentiment déposséder de leurs terres
et enfermer dans des ghettos, ou les
fanatiques du Hezbollah qui n'acceptent pas paisiblement
qu'Israël vassalise
leur pays pour le compte des Etats-Unis, je n'ai
pas besoin du Courrier, la
presse gratuite des halls de gare me suffit.
Faut-il que ce soit un de vos lecteurs qui vous
rappelle que dans votre
devise, il y a les mots «réfléchir»
et «résister»? Il vous reste
trois mois
pour vous en souvenir, et me convaincre de renouveler
mon abonnement qui
arrive à échéance en août.
Avec mes salutations néanmoins cordiales.
RG