logoCollectif Urgence Palestine
article:




>> photos de nos actions et conférences - 60 ans de la Nakba - mai 08




>> programme "1948 - 2008 : Palestine colonisée, peuple dépossédé"


autres publications dans le cadre des 60 ans de la Nakba:
> Israël a commis un nettoyage ethnique en 1948 - interview Michel Warschawski - ES 21/05/08
>> Soixante ans après - Michel Warschawski 04/08

> supplément 4 pages du Courrier 03/05/08 [pdf]

> dossier de presse: campagne d'affichage nationale [fr/all]

nakba

La Nakba à l’heure de la guerre globale et permanente
nakba 08 - ilan halevi
interview d' Ilan Halevi
par Tobia Schnebli
- pour SolidaritéS - mai 2008

Ilan Halevi, membre du Fatah, auteur et chroniqueur régulier de la Revue d’Etudes Palestiniennes était à Genève sur invitation du Collectif Urgence Palestine pour participer au meeting et à un atelier organisés les 16 et 17 mai dans le cadre de la campagne à l’occasion des 60 ans de l’indépendance d’Israël et de la Nakba palestinienne.

 

Quel est ton bilan des commémorations des soixante ans de l’indépendance d’Israël et de la Nakba?

Dans le déferlement de déclarations d’amour à l’Etat d’Israël qui émanent des médias européens et d’une grande partie des gouvernements, en Europe et même de par le monde, on peut trouver une consolation dans le fait que le concept, le vocable de Nakba, en arabe dans le texte… , est entré dans l’usage médiatique et public universel. C’est la deuxième fois que les Palestiniens ont fait entrer un terme dans le langage universel: il y a une génération, c’était le terme Intifada. C’est la deuxième fois que leur souffrance et leur résistance imposent leur nom propre.

Il y a quelques précédents: la Perestroïka gorbatchévienne, par exemple avait imposé son nom. Glasnost et Perestroïka n’étaient plus traduits, c’étaient des concepts en russe dans le texte. Il en est apparemment de même à partir de cette année avec le mot Nakba. Le secrétaire général des Nations Unies l’a mentionné, suscitant les protestations des Israéliens. Et un peu partout on ne peut plus mentionner l’indépendance d’Israël sans faire une référence, fût-elle formelle et hypocrite, à la souffrance corollaire dont les palestiniens ont été les victimes comme résultat de l’établissement de l’Etat d’Israël en 1948.

Je dirais donc que c’est un bilan mitigé. Tout d’abord parce que la Nakba continue, la dépossession continue et on n’en voit pas la fin. Donc de toute façon il n’y a aucune raison de célébrer ou de se réjouir et les raisons d’espérer sur le court terme sont minces.

Deuxièmement, on peut aussi s’inquiéter de l’écart qui se creuse entre le ras-le-bol des opinions publiques par rapport à la brutalité et à l’arrogance des pratiques israéliennes et à la servilité accrue des politiques et des médiatiques à l’égard des dirigeants israéliens, dont les exigences n’ont pas cessé de s’accroître. Je pense que le conflit, qui n’a jamais été un champ clos israélo-palestinien, nécessite plus que jamais une médiation internationale qui réintroduise les paramètres du droit, et même du droit international dans ses versions les plus minimalistes, dans une équation qui est aujourd’hui totalement déséquilibrée.

 

Comment retrouver l’unité dans la lutte de libération du peuple palestinien?

L’unité politique palestinienne se trouve aujourd’hui dans une crise sans précédents. Il n’y a jamais eu une situation comme l’actuelle, où il y a deux systèmes de légitimité politique concurrents sur le territoire palestinien lui-même. Alors que dans les années de l’exil même la dislocation géographique du peuple palestinien n’avait pas entamé son unité politique. L’OLP était le cadre dans lequel on fonctionnait, que l’on soit avec le Front populaire ou le Front démocratique, partisan du Fatah ou communiste ou islamique. Il n’y avait qu’un seul cadre institutionnel, quelle que soit la location géographique. Aujourd’hui sur le territoire palestinien lui-même on a une situation de double pouvoir qui d’ailleurs est une double absence de pouvoir puisque c’est l’occupant israélien qui détient les véritables leviers du pouvoir réel, le pouvoir effectif sur le territoire, sur la liberté de mouvement, sur la vie, sur l’économie.

Alors que le pays est assiégé et qu’il vit une situation épouvantable du point de vue de la sécurité des citoyens qui sont menacés par une politique d’assassinats dits ciblés mais qui est absolument dévastatrice par rapport aux civils et qu’il subit en même temps une asphyxie économique sans précédent, la question de l’unité politique est une question grave mais elle ne pourra être résolue que de façon démocratique: il faut absolument écarter l’idée ou l’hypothèse selon laquelle une des parties pourrait imposer son hégémonie à l’autre par la force. La société palestinienne ne l’acceptera pas.

 

Comment vois-tu les perspectives pour les Palestiniens?

Les perspectives sur le plus long terme demeurent inchangées. Le peuple palestinien ne peut pas se permettre de baisser les bras, il faut qu’il continue à survivre. Même si la victoire où une libération même partielle n’est pas à l’ordre du jour immédiat en raison du rapport de force, qui de toute évidence ne lui est pas favorable, il y a toujours quelque chose à faire On peut toujours mettre son poids dans la balance pour que les choses soient un peu moins pires, au moins pour alléger un peu la souffrance des gens, et se préparer à l’étape suivante. Là les responsabilités de la communauté internationale sont écrasantes. Donc, il faut continuer à en appeler aux Européens, à la fois sur la base de leurs valeurs proclamées mais aussi sur la base de leurs intérêts bien compris. Parce que même si les Etats-Unis peuvent envisager de gérer le désordre et l’instabilité au Moyen Orient par télécommande, à distance, les Européens, eux, sont bien placés pour savoir que leurs destins et ceux des autres riverains de la Méditerranée sont étroitement imbriqués et qu’il n’y aura pas de prospérité et de stabilité sur la rive Nord de la Méditerranée s’il y a la guerre et la misère de l’autre côté. Donc il faut que les Européens traduisent leurs discours souvent justes en une véritable action politique concertée.

 

Quel est le thème de ton prochain livre?

Le thème traité est l’islamophobie, qui est le discours sous jacent de la nouvelle guerre globale, présentée comme une guerre contre le terrorisme. Je pense qu’il y a là une perversion intellectuelle, théorique et politique grave de conséquences. Je travaille sur cette thématique qui dans une certaine mesure éclaire le pessimisme dont j’ai fait preuve sur les perspectives à court terme dans la question palestinienne. Ce contexte global, absolument désastreux, justifie toutes les complaisances à l’égard de la politique israélienne puisque l’adversaire désigné, l’ennemi global de substitution, est désormais l’identité civilisationnelle elle-même des peuples de notre région.

 


 

CUP adresse