28 mars 2008
Mesdames, Messieurs,
Je vous envoie ce message sur le film <Beaufort>
du cinéaste israélien Joseph Cedar,
en regrettant de ne pas pouvoir le poster directement
sur le site de L'Humanité, où
il n'est malheureusement pas possible de commenter
les articles. En raison du contexte de la sortie
de ce film en France, il me semble opportun
d'envoyer des copies de ce message aux collectivités
intéressées par cette question,
en France, en Suisse, En Belgique, et au Moyen-Orient.
Je suis assez surpris par l'idéologie
affichée ou l'inconscience non avouée,
que contient le compte-rendu du film <Beaufort>
de Joseph Cedar, publiée dans l'Humanité
du 26 mars 2008, et rédigée par
Mme Dominique Widemann. Je vous le dis tout
net: cela m'étonne de L'Humanité,
dont je connaissais certes l'approche humanitaire,
à défaut d'être plus courageuse
dans sa défense des Palestiniens, mais
j'ignorais que la bienveillance de votre journal
à l'égard de l'État d'Israël
et de ses représentants pouvait atteindre
de telles limites.
Dans son compte-rendu, votre journaliste fait
tout simplement l'éloge d'un film de
propagande pour l'armée israélienne,
dont l'image nous est rendue ici dans une atmosphère
intimiste, sous une lumière tamisée,
grâce à l'histoire de quelques
uns de ses soldats. Jeunes, innocents, un peu
perdus dans leur bunker sous le château
médiéval de Beaufort, si désarmants
d'humanité jusque dans leurs défauts,
dans ce film les soldats de l'armée israélienne
attirent la larme, la compréhension et
la compassion. Le coeur de votre journaliste
a littéralement craqué devant
le spleen si romantique de ces pauvres soldats.
À l'inverse, pour votre journaliste,
les combattants de la résistance libanaise
ne sont que des ombres sans consistance, qui
s'excitent sur leurs mortiers et tirent à
l'aveugle. D'un côté les tendres
Israéliens (qui "se défendent",
insinue-t-elle), de l'autre, des Libanais au
silhouettes pas nettes, et néanmoins
brutales. C'est ainsi que le film montre les
deux camps, et votre journaliste n'y trouve
rien à redire.
Selon votre journaliste, le film de Cedar,
dont l'histoire se situe en 2000 au Sud Liban,
est comparable au film de Wolfgang Petersen,
<Le Bateau>, dont l'histoire est située
en 1941. Voilà qui est audacieux de la
part de votre journaliste. Quel rapport y a-t-il
entre un film comme <Beaufort>, qui évoque
un épisode récent et bien présent
dans la mémoire, et des sous-mariniers
allemands dont l'histoire date de plus de soixante
ans ? Quel rapport y a-t-il entre l'armée
israélienne d'aujourd'hui, que des films
comme <Beaufort> font passer pour défensive
et pacifique, et l'Allemagne hitlérienne,
dont l'armée n'est qu'un lointain souvenir?
Votre journaliste a admiré dans le
film de Cedar la lumière et le son des
explosions. Que votre journaliste aime les effets
spéciaux, c'est son droit le plus strict,
mais on est en droit d'attendre d'un critique
de films de guerre un peu moins d'admiration
et un peu plus de raisonnement. Est-elle consciente
que <Beaufort> n'est pas un jeu virtuel,
mais une fiction politiquement orientée,
évoquant une vraie guerre, où
les gentils du film, participent à une
guerre d'agression? Sait-elle que l'armée
israélienne, que les sympathiques personnages
du film servent avec un dévouement mêlé
de nonchalance et de crainte, est responsable
de crimes de guerre, notamment sur des civils,
parmi lesquels on compte des réfugiés
expulsés de la Palestine, que les papas
des gentils du film ont renommé Israël?
Quant aux ombres d'en face, votre journaliste
sait-elle, que ce sont des résistants,
qui luttent contre l'occupation du sud de leur
pays par l'armée la plus puissante de
la région?
Votre journaliste, trouve par ailleurs que
ce film montre "l'absurdité"
de la guerre (à cause de l'aveuglement
de la hiérarchie militaire loin dans
son QG, et à cause des Libanais qui tirent
pour la galerie), et affirme que son réalisateur
se distancie de tout argumentaire politique.
Est-ce de l'angélisme? Ce film n'est
ni apolitique ni pacifiste, bien au contraire.
Un journal comme L'Humanité sait bien,
pourtant, que ne pas faire de politique dans
un contexte politique, c'est encore faire de
la politique. Vous semblez l'avoir oublié,
et votre éloge du film fait froid dans
le dos.Meilleurs messages
JGM