Une voiture est venue nous chercher à
Beyrouth, destination: les camps de réfugiés
de Nahr al-Bared et Albadawi. Jaber Sulaiman,
Mahmoud Zeidan, Nawal (Najdeh) et moi étions
les passager-ère-s de cette excursion.
Nawal, qui travaille pour l’association
Najdeh, s’est chargée de nous obtenir
les permis pour entrer dans les camps, puisque
l’armée interdit l’accès
à certaines zones de Nahr al-Bared. Nawal
nous a demandé de laisser notre voiture
et de monter dans la sienne, car l’armée
libanaise connaît sa voiture. En principe
l’armée interdit l’entrée
aux camps à tout le monde, sauf aux personnes
ou associations menant des projets dans le camp
et aux anciens habitants rentrant chez eux.
Nawal nous a demandé de ne pas parler
et de cacher nos caméras lors du contrôle
des soldats à l’entrée du
camps de Nahr al-Bared ; elle a répondu
à toutes leurs questions et leur a déclaré
que nous travaillions avec l’association
Najdeh.
– Telles étaient les conditions
pour pouvoir pénétrer dans le
camp.
J’étais abasourdie de voir ces
barrages successifs de blocs de béton
séparant la route principale du camp,
similaires au mur de l’apartheid israélien
en Palestine occupée.
La voiture nous a amené-e-s dans la
partie nord du camp, dans la partie autorisée.
Depuis le début de notre visite nous
n’avions vu que des scènes sombres
et tristes. Par contraste le siège de
l’association Najdeh semblait être
presque le seul endroit à donner une
impression de vie. Nawal nous raconta que l’association
avait travaillé durant environ quatre
mois pour réhabiliter le centre et le
rendre à nouveau utilisable et pour que
les enfants puissent retourner en classe. Nous
avons garé la voiture près du
centre Najdeh et décidé de le
visiter à notre retour. Nous avons continué
à pied.
En chemin nous avons croisé un homme,
la cinquantaine, portant un lourd paquet sur
sa tête. Il était accompagné
d’une femme âgée. Quand il
nous a salués je lui ai demandé
ce qu’il transportait, c’était
les livres brûlés de sa fille qu’il
avait retrouvés en retournant chez lui.
Il a ouvert le paquet pour nous montrer ces
livres rescapés. La femme âgée
transportait des vêtements pour ses petits-enfants,
car les habits qu’ils avaient reçus
n’étaient pas suffisants pour affronter
les nuits très froides ; puis, à
voix basse, elle s’adressa à Nawal
et lui révéla qu’ils n’avaient
reçu qu’une demi part de nourriture
et que les enfants avaient encore faim.
Nous sommes arrivés devant une maison
totalement brûlée et à moitié
détruite. Nawal nous a raconté
que son propriétaire avait eu une crise
cardiaque en voyant que tout ce qu’il
avait construit durant sa vie entière
avait été dévasté
par les flammes en quelques minutes. Il a été
transporté à Beyrouth pour être
soigné et y était encore au moment
de notre visite.
Plus loin nous avons rencontré des enfants,
5-6 ans, “travailleurs”, débarrassant
les débris devant leur maison ; en discutant
avec eux j’ai compris que leur père
essayait de réparer et nettoyer la maison,
et à eux incombait la tâche de
nettoyer à l’extérieur.
des enfants nettoyant les débris près
de leur maison détruite (enfance gâchée)
A la question de savoir s’ils allaient
à l’école ils ont répondu
“oui”, mais lors de l’attaque
de Nahr al-Bared leur école a été
détruite. Puis ils ont dû fuir
à Albadawi et vivre entassés dans
la seule école du camp, car il n’y
avait pas d’autre endroit pour héberger
les réfugiés (doublement réfugiés).
L’école complètement remplie
n’a donc plus pu être utilisée
en tant qu’école.
petites habitations
construites par l'UNRWA
à la périphérie du camp
Nawal a raconté que l’UNRWA a
construit des petites habitations temporaires
à la périphérie du camp
en attendant que les maisons de Nahr al-Bared
puissent être réparées,
mais les habitants ont refusé de déménager
dans ces maisonnettes, préférant
rester dans l’école du camp Albadawi
jusqu’à ce qu’ils puissent
retourner dans leurs maisons à Nahr al-Bared.
Vu la situation difficile, l’UNRWA a construit
une école à la périphérie
du camp et fourni des bus scolaires pour amener
les enfants des camps. Malheureusement les enfants
n’assistent pas aux cours régulièrement ;
cette année scolaire a disparu pour eux,
tout comme leurs maisons.
Bien que nous savions que l’armée
libanaise nous observait et qu’il était
interdit de prendre des photos, nous avons réussi
à en prendre quelques unes à leur
insu.
auparavant c'était un grand magasin de
chaussures...
Au cours de notre visite, nous avons vu un
bout de carton avec une vingtaine de chaussures
en plastic, fixée dessus. Je me suis
arrêtée pour discuter avec le vendeur,
près de sa maison. Il a dit qu’avant
il était propriétaire d’une
usine de chaussures et que maintenant il ne
lui restait qu’une cinquantaine de paires
sauvées des cendres. Auparavant sur cette
route, il y avait 1430 magasins et échoppes,
mais aucun n’a subsisté. Il a ajouté
que le commerce avait été très
florissant dans les camps de réfugié
car les prix y étaient beaucoup plus
bas, et que cela attirait un grand nombre de
libanais de classe moyenne, de Aqar et alentours.
[à suivre...]
un magasin de céramique, complètement
dévasté
c'était un magasin de vêtements
pour femmes, à Nahr al-Bared
garage détruit.