Cela se préparait depuis plusieurs jours ;
depuis ce matin, c’est fait. L’armée
israélienne a attaqué Gaza. Il
y a des centaines de morts et de blessés,
les images de cette nouvelle guerre sont insoutenables.
Ce n’est pourtant que le début,
proclame le gouvernement israélien !
Rapportés par les journaux, les propos
des généraux font froid dans le
dos : on parle de « liquider »
les chefs du Hamas et de « casser »
le mouvement de résistance du Hamas.
« Notre objectif n’est pas
de réoccuper le territoire pour l’éternité,
seulement de s’en emparer pour le nettoyer »1
« liquidations », « nettoyage
ethnique », ces termes rappellent
d’extrêmement mauvais souvenirs.
Cependant, s’agissant de Gaza et des Palestiniens,
ils me sont hélas pas nouveau.
Voilà quarante ans que la Palestine
est occupée, que le territoire est morcelé,
qu’un forme d’apartheid se développe,
que les Palestiniens sont dépossédés
de leurs terres, menacés par les attaques
de l’armée ou des colons, en butte
aux violences et aux discriminations. Pour ce
qui concerne Gaza, ça fait plus d’une
année que ce territoire surpeuplé
est soumis par Israël à un blocus
quasi hermétique. Rappelez-vous :
tout au début de 2007, une brèche
dans le mur séparant Gaza de l’Egypte
avait permis à des milliers d’habitants
de se précipiter de l’autre côté
de la frontière, non pas pour fuir ou
pour acheter des armes, mais pour se procurer
du pain et du lait, ou tout simplement pour
souffler. Depuis des mois et des mois, Gaza
étouffe, Gaza suffoque, Gaza ne peut
plus ni bouger, ni travailler, ni se soigner,
ni manger. Dans cette prison à ciel ouvert,
l’enfermement a des conséquences
dramatiques. « Gaza, c’est
comme une ferme de 1,6 millions d’animaux
à qui l’on jette de la nourriture »,
déclarait il y a quelques mois le défenseur
des droits de l’homme à Gaza Raji
Souravi. « L’occupation et
le siège israéliens, les bombardements
et les destructions quotidiennes ont fait des
habitants des mendiants. Ce n’est pourtant
pas nous. Ce n’est pas notre mentalité »2.
Et voilà qu’aujourd’hui
cette population déjà réduite
au désespoir doit subir en plus les assauts
enragés de l’armée israélienne,
les destructions massives, et les bombardements
aveugles, qui font mourir indistinctement combattants
du Hamas, civils, femmes et enfants. Pour quoi
faire ? Pour la paix et la sécurité
d’Israël ? Certes, des roquettes
sont tirées par le Hamas sur le sud du
pays. Est-ce que cela justifie une punition
collective de cette ampleur, en violation des
conventions de Genève ? Est-ce concevable
de penser que ce déluge de feu apportera
l’apaisement ou la soumission dans le
cœur des Palestiniens ? C’est
exactement le contraire qui va se passer, tant
l’exaspération est grande à
Gaza.
Quand la Lybie de Khadafi hurle que c’est
« œil pour œil, dent pour
dent », tout le monde crie au scandale.
Mais quand l’armée d’un pays
prétendument démocratique pratique
la loi du talion, les protestations se font
rares et le silence est assourdissant. Il faut
arrêter avec cette fiction d’une
guerre ordinaire qui mettrait aux prises deux
armées. La disproportion des forces devient
criminelle. Ce n’est plus une punition,
c’est un massacre !
Voilà pourquoi, je pleure pour gaza,
sans savoir vers qui me tourner pour trouver
un peu d’espoir et de réconfort.
Anne-Catherine Menétrey
Notes:
1 Selon les propos de l’ex-général
Doron Almog, cité par Le Temps du 27.12.08
2 Cité pa Le Temps, janvier
2007