Ramallah, le 28 septembre 2006
Depuis El Bireh, à Ramallah, j’aimerais
vous parler du mur et des conséquences
sur la vie quotidienne des palestiniens et des
palestiniennes.
J’aimerais tout d’abord vous raconter
une expérience que j’ai vécue
il y a trois jours en traversant le check-point
de Naplouse. En rentrant je n’ai eu aucun
problème mais en sortant, j’ai montré
mon passeport et le soldat m’a demandé
quelle était ma nationalité et je
lui ai répondu: "Swiss". Avec
un sourire narquois il m’a répondu:
"Why are you swiss? why aren’t you
american?". Je n’ai fait aucun commentaire
à une remarque aussi stupide. Essayez maintenant
d’imaginer ce que peut vivre un palestinien
au quotidien en traversant n’importe quel
check-point ou les portes du mur? Ce que j’ai
vécu n’est rien face aux humiliations
des palestiniens et des palestiniennes: par exemple,
les hommes doivent lever leur chemise pour montrer
leur abdomen, pour prouver qu’ils n’ont
pas des explosifs sur eux, parfois les soldats
utilisent la pointe de leur fusil pour enlever
le voile des femmes...
Ce matin, lorsque je suis allée faire
mes courses, et comme partout dans les pays mediterrannéens,
la vendeuse et moi avons échangé
un moment de discussion, tout naturellement. Nous
avons parlé de l’occupation, du mur
et de sa souffrance de ne plus pouvoir voir sa
famille (sa mère, son père, ses
soeurs) depuis plusieurs mois car elle n’a
pas d’autorisation pour se rendre de l’autre
côté du mur. Pendant le Ramadan,
les familles, les amis se rendent plus souvent
visites et ils/elles aiment rester plusieurs heures
à discuter des uns et des autres. C’est
une coutume historique et un devoir familial et
social important, selon eux/elles, les liens se
renforcent en se voyant et passant du temps avec
la famille. Elle est profondement triste de pas
pouvoir fêter le Ramadan avec sa famille
alors qu’ils habitent de l’autre côté
du mur. C’est-à-dire à 800
mètres de chez elle.
Le mur d’apartheid construit par le gouvernement
israélien en 2002 divise territorialement
des villes et des villages entiers et coupe en
plusieurs parties la Cisjordanie créant
ainsi des espèces de bantoustans isolés
les uns des autres. Plusieurs milliers d'hectares
de terres sont volés aux paysans palestiniens.
Le mur détruit la vie économique.
Les familles vivant souvent dans le même
village ou un village voisin sont fragmentées,
isolées, plus de contacts, plus de relation
entre elles.
En additionnant les annexions déjà
réalisées du Nord de la Cisjordanie
et en rajoutant celles qui sont en voie de réalisation
comme dans la région de Salfit, pour connecter
les blocs des colonies d’Ariel et de Shomron;
et pour relier à Jérusalem les colonies
de Etzion, Giv’at, Ze’ev et Ma’ale
Adumin, le gouvernement israélien va annexer
554 km2 de terres palestiniennes. Cela représente
9,5 % du total du territoire. Les terres les plus
fertiles sont volées comme dans la region
de Jayyus, Qalqiliya et Qaffin, à Tulkarem.
Des familles entières sont dépossédées
de leurs terres ce qui les laisse sans aucun recours
économique.
Parfois la pression internationale peut avoir
un effet mais sans vraiment changer la réalité
sur le terrain. Le gouvernement d’occupation
dans une tentative pour masquer ses intentions
expansionnistes détruit une partie du mur
et le reconstruit tout en organisant une mascarade
médiatique mensongère et malhonnête.
Rappelons que 70% de la population est au chômage,
rappelons que l’UE et les Etats-Unis ont
décidé depuis 6 mois un boycott
contre l’autorité palestinienne pour
avoir organisé des élections libres
et démocratiques. Aux checkpoints, pour
les palestiniens qui ont du travail ou pour ceux
et celles qui étudient de l’autre
côté du mur, l’attente peut
être très longue et pénible
sous le soleil ou par le froid en période
d’hiver. De même, des ambulances peuvent
se retrouver bloquées des heures sans pouvoir
secourir personne.
Je vous décris un tableau sombre et décourageant
mais c’est la réalité de la
Palestine, c’est la réalité
quotidienne de millliers de Palestiniens et de
Palestiniennes. C’est une réalité
que je vois souvent, pas tous les jours heureusement,
mais beaucoup trop souvent.