logoCollectif Urgence Palestine
article:



<< bilin-village.org



La stratégie de Bil'in doit devenir la stratégie nationale
par André Gazut
paru dans Le Courrier 20/06/08
COMBAT NON VIOLENT A BIL’IN

3ème conférence internationale de Bil’In

Début juin s’est tenue la "3ème conférence internationale de Bil’In pour la lutte populaire non violente". A l’ouest de Ramallah, le village de Bil’in lutte depuis 2005 contre la construction du mur et la construction de nouvelles colonies prévues pour 150'000 habitants qui l’amputent de 60% de ses terres. Organisés en comité populaire, chaque vendredi les villageois manifestent vers le mur de manière non-violente. Et chaque vendredi l’armée tente par la force d’empêcher le déroulement des actions populaires. Les 200 internationaux, essentiellement cette année d’Italie, de France, mais aussi de pays éloignés comme du Japon et des USA, côtoient des militants israéliens.

Les partis palestiniens sont représentés:

Chaque parti palestinien – du Fatah au PFLP – a tenu à envoyer au moins un de ses dirigeants. Excepté le Hamas. Il n’est pas étonnant que chacun ait insisté sur l’unité indispensable des Palestiniens, la solidarité avec Gaza et reconnu l’importance de la lutte de Bil’In. Ni’lin un village proche vient en ce début juin de s’opposer aussi par l’action non-violente aux traks israéliens qui y arrachaient des oliviers.

Le combat non-violent, une stratégie d’avenir?

Est-ce à dire que les élus palestiniens souhaitent que se généralise ce type de combat non-violent et définissent une stratégie claire? Pour Sa’adi El-Krunz, chef de cabinet du 1er ministre «Aujourd’hui on ne peut être optimiste quant à une avancée sur le point politique (les négociations). Aussi voulons-nous offrir de meilleures conditions de vie à la population par un développement économique». Volonté louable. Le Premier ministre qui ouvre le colloque arrive de Jenine où il a rencontré des investisseurs allemands pour la création d’une zone industrielle. Mais qui profitera en priorité de ces investissements? A Ramallah, viennent de s’achever de nombreuses belles grandes maisons, et même des tours pour sociétés commerciales. Ainsi les grands commerçants et les sociétés font du business, les non-violents, de l’action non-violente et les politiciens, de la politique.

Les partis ergotent. Dénoncer la violence serait dénoncer la lutte armée du passé, et aujourd’hui condamner le Hamas. Ainsi Qais Abu Leila du PFDP, déclare: «je voudrais clarifier la notion de violence et de non-violence. De tout temps le peuple palestinien a choisi la résistance. Il a voulu défendre ses droits. Nous n’avons jamais été l’agresseur». Ce à quoi l’italienne, Luisa Morgantini rétorque «Bil’in est dans la ligne de la première intifada. La 2e intifada par la lutte armée est un échec: je parle quant aux résultats. Je pense que la stratégie de Bil’in doit devenir la stratégie nationale». Et d’ajouter «si stratégiquement vous étendez le combat non-violent, le peuple de tous les pays rejoindra votre cause». Une militante de Berlin renchérit «Aider la lutte de Bil’in, l’étendre cela aidera nos gouvernements européens à s’engager plus en faveur de la cause palestinienne». Les responsables du comité populaire de Bil’in sont clairs dans leur choix, fiers d’agir. «Nous sommes satisfaits d’avoir attiré l’attention internationale, nous dit l’un deux, ainsi l’ancien président Carter nous a adressé un message: «Vous êtes l’expression du fait que le rêve palestinien ne pourra être détruit… la poursuite de la politique de saisie des terres palestiniennes est l’un des plus dangereux obstacles face à la paix» Autre message de soutien de l’ancien directeur général de l’Unesco, Frederico Mayer.

Une première victoire pour les habitants de Bil’in:

Les habitants de Bil’in, s’ils sont heureux de la présence des politiciens palestiniens, sont quelque peu dubitatifs sur leurs exposés qui ne tranchent ni en faveur du combat non-violent, ni de la violence. Eux, ne sont pas des politiques mais en luttant par le droit, ils ont obtenu un jugement de la Cour Suprême israélienne en septembre 2007 demandant au ministère israélien de la Défense de modifier le tracé du mur. Bien que l’armée n’ait pas jugé bon de modifier jusqu’à aujourd’hui le tracé, ils considèrent qu’ils ont remporté une première victoire, avec l’aide d’avocats militants israéliens. Ce combat commun avec des activistes israéliens a créé des liens. Leur présence à chaque manifestation hebdomadaire, spécialement du groupe les « anars contre le mur » a permis une riposte militaire moins violente. Certes 1000 blessés en trois ans, mais pas de mort. Le comité populaire revendique leur combat non-violent comme une nouvelle phase de la résistance, une résistance de la base qui laisse la place aux jeunes. Ainsi le 26 mai dernier Ashraf Abu Rahme, témoin de travaux afin d’agrandir les colonies voisines a réussi à grimper sur l’une des grues, interrompant pendant six heures toute activité. Des colons furieux ont alors attaqué l’équipe TV d’Al Jazeera ainsi que les militants internationaux et israéliens présents. Arrêté Ashraf est devenu un héros. Libéré, il est désormais assigné à résidence.

La manifestation du vendredi 6 juin

Le dernier jour, après la prière du vendredi le cortège s’est dirigé vers la barrière. En tête les responsables du comité de Bil’in, des représentants politiques, mains dans la mains avec Luisa Morgantini et l’Irlandaise, Maired Corrigan Maguire, prix Nobel de la Paix, qui fut blessée l’an passé. Contrairement à avril 2007, il fut possible d’atteindre la barrière où à l’exemple de Luisa Morgantini, ceinte de son écharpe de vice-présidente du Parlement Européen, les bras se levèrent en signe de paix face aux soldats israéliens. Un villageois se hissa au sommet d’un poteau électrique et déploya un drapeau palestinien. Dans la foule de multiples drapeaux palestiniens et de petits drapeaux indiquant l’origine des internationalistes. Les grandes agences mondiales sont présentes avec journalistes et photographes. Ces derniers sont équipés de masque à gaz. Ils ont raison. L’armée tire des gaz lacrymogènes. Beaucoup sont intoxiqués. Le juge italien, Giulo Toscano est blessé à la tête, un des dirigeant du comité populaire brûlé à une main. Un porte-parole de l’armée interrogé par l’AFP, affirme que les manifestants avaient «jeté des pierres sur les soldats, qui ont riposté». Ce point est exact. Quelques adolescents ont utilisés des frondes et l’armée a tiré ensuite. Pour ma part, j’ai vu et photographié un Palestinien – en costume de footballeur – aller dissuader ces jeunes. Pour disperser la manifestation, un nouvel équipement: un véhicule qui peut lancer 30 grenades à la fois, arrosant un diamètre important. Cette année l’officier en poste a eu plus de retenue qu’en avril 2007 où les manifestants furent attaqués dès leur sortie du village, tant par les gaz que par de multiples tirs de balle caoutchouc-acier. 25 blessés durent être conduits à l’hôpital de Ramallah.

Visite à Hébron: l’organisation «on brise le silence» ne peut plus organiser des circuits d’information

A Hébron, surprise: la vie est revenue dans la vieille ville, les commerces palestiniens sont presque tous ouverts contrairement à 2004 où seulement trois commerçants attendaient les clients. Le quotidien israélien Haaretz du 5 juin écrit: «La semaine dernière, un juge de la cour militaire le major Samuel Lavie a décrété que deux Palestiniens qui louaient à Hébron des magasins que des colons du quartier d’Avraham Avinou ont envahis, avaient perdu leurs droits de locataires pour avoir «abandonné» les propriétés… Il a décrété qu’un abandon forcé était aussi un abandon».Le même journal indique aussi que le commandant militaire d’Hébron «a signé une ordonnance de zone militaire fermée interdisant aux membres de l’organisation «ON BRISE LE SILENCE» d’organiser dans la ville des circuits d’information». Cette association a présenté il y a deux ans à Genève des photos accablantes sur le comportement de militaires. Crée en 2004, financée par l'Union Européenne, elle vient de publier une plaquette de cinq cents témoignages d'anciens soldats, "témoins, comme l'écrit Le Monde, des abus, petits ou grands, vicieux ou criminels, perpétrés par les troupes d'occupation israéliennes dans la région d'Hébron". Les colons se voient débarrasser de ces Israéliens qui venaient témoigner du «sale boulot» de l’armée d’occupation. Place libre est faite aux juifs de la diaspora qui se rendent à Hébron.

Ainsi j’ai assisté le 7 juin à une visite d’une trentaine d’Américains éblouis par un marché oriental et la présence israélienne. Trente soldats en armes leur assuraient une protection rapprochée pendant qu’un rabbin faisait office de guide. Pendant ce temps à Jérusalem un militant français prenait des photos de militaires visitant la mosquée du Dôme du Rocher sans avoir ôté leurs chaussures.

André Gazut

PS. Pour toute information, le site de Bil’In est très complet www.bilin-village.org
Et pour les contacts contact@bilin-village.org


 

CUP adresse