COMBAT NON VIOLENT A BIL’IN
3ème conférence
internationale de Bil’In
Début juin s’est tenue la "3ème
conférence internationale de Bil’In
pour la lutte populaire non violente".
A l’ouest de Ramallah, le village de Bil’in
lutte depuis 2005 contre la construction du
mur et la construction de nouvelles colonies
prévues pour 150'000 habitants qui l’amputent
de 60% de ses terres. Organisés en comité
populaire, chaque vendredi les villageois manifestent
vers le mur de manière non-violente.
Et chaque vendredi l’armée tente
par la force d’empêcher le déroulement
des actions populaires. Les 200 internationaux,
essentiellement cette année d’Italie,
de France, mais aussi de pays éloignés
comme du Japon et des USA, côtoient des
militants israéliens.
Les partis palestiniens sont représentés:
Chaque parti palestinien – du Fatah
au PFLP – a tenu à envoyer au moins
un de ses dirigeants. Excepté le Hamas.
Il n’est pas étonnant que chacun
ait insisté sur l’unité
indispensable des Palestiniens, la solidarité
avec Gaza et reconnu l’importance de la
lutte de Bil’In. Ni’lin un village
proche vient en ce début juin de s’opposer
aussi par l’action non-violente aux traks
israéliens qui y arrachaient des oliviers.
Le combat non-violent, une stratégie
d’avenir?
Est-ce à dire que les élus palestiniens
souhaitent que se généralise ce
type de combat non-violent et définissent
une stratégie claire? Pour Sa’adi
El-Krunz, chef de cabinet du 1er ministre «Aujourd’hui
on ne peut être optimiste quant à
une avancée sur le point politique (les
négociations). Aussi voulons-nous offrir
de meilleures conditions de vie à la
population par un développement économique».
Volonté louable. Le Premier ministre
qui ouvre le colloque arrive de Jenine où
il a rencontré des investisseurs allemands
pour la création d’une zone industrielle.
Mais qui profitera en priorité de ces
investissements? A Ramallah, viennent de s’achever
de nombreuses belles grandes maisons, et même
des tours pour sociétés commerciales.
Ainsi les grands commerçants et les sociétés
font du business, les non-violents, de l’action
non-violente et les politiciens, de la politique.
Les partis ergotent. Dénoncer la violence
serait dénoncer la lutte armée
du passé, et aujourd’hui condamner
le Hamas. Ainsi Qais Abu Leila du PFDP, déclare:
«je voudrais clarifier la notion de violence
et de non-violence. De tout temps le peuple
palestinien a choisi la résistance. Il
a voulu défendre ses droits. Nous n’avons
jamais été l’agresseur».
Ce à quoi l’italienne, Luisa Morgantini
rétorque «Bil’in est dans
la ligne de la première intifada. La
2e intifada par la lutte armée
est un échec: je parle quant aux résultats.
Je pense que la stratégie de Bil’in
doit devenir la stratégie nationale».
Et d’ajouter «si stratégiquement
vous étendez le combat non-violent, le
peuple de tous les pays rejoindra votre cause».
Une militante de Berlin renchérit «Aider
la lutte de Bil’in, l’étendre
cela aidera nos gouvernements européens
à s’engager plus en faveur de la
cause palestinienne». Les responsables
du comité populaire de Bil’in sont
clairs dans leur choix, fiers d’agir.
«Nous sommes satisfaits d’avoir
attiré l’attention internationale,
nous dit l’un deux, ainsi l’ancien
président Carter nous a adressé
un message: «Vous êtes l’expression
du fait que le rêve palestinien ne pourra
être détruit… la poursuite
de la politique de saisie des terres palestiniennes
est l’un des plus dangereux obstacles
face à la paix» Autre message de
soutien de l’ancien directeur général
de l’Unesco, Frederico Mayer.
Une première victoire pour les
habitants de Bil’in:
Les habitants de Bil’in, s’ils
sont heureux de la présence des politiciens
palestiniens, sont quelque peu dubitatifs sur
leurs exposés qui ne tranchent ni en
faveur du combat non-violent, ni de la violence.
Eux, ne sont pas des politiques mais en luttant
par le droit, ils ont obtenu un jugement de
la Cour Suprême israélienne en
septembre 2007 demandant au ministère
israélien de la Défense de modifier
le tracé du mur. Bien que l’armée
n’ait pas jugé bon de modifier
jusqu’à aujourd’hui le tracé,
ils considèrent qu’ils ont remporté
une première victoire, avec l’aide
d’avocats militants israéliens.
Ce combat commun avec des activistes israéliens
a créé des liens. Leur présence
à chaque manifestation hebdomadaire,
spécialement du groupe les « anars
contre le mur » a permis une riposte militaire
moins violente. Certes 1000 blessés en
trois ans, mais pas de mort. Le comité
populaire revendique leur combat non-violent
comme une nouvelle phase de la résistance,
une résistance de la base qui laisse
la place aux jeunes. Ainsi le 26 mai dernier
Ashraf Abu Rahme, témoin de travaux afin
d’agrandir les colonies voisines a réussi
à grimper sur l’une des grues,
interrompant pendant six heures toute activité.
Des colons furieux ont alors attaqué
l’équipe TV d’Al Jazeera
ainsi que les militants internationaux et israéliens
présents. Arrêté Ashraf
est devenu un héros. Libéré,
il est désormais assigné à
résidence.
La manifestation du vendredi 6 juin
Le dernier jour, après la prière
du vendredi le cortège s’est dirigé
vers la barrière. En tête les responsables
du comité de Bil’in, des représentants
politiques, mains dans la mains avec Luisa Morgantini
et l’Irlandaise, Maired Corrigan Maguire,
prix Nobel de la Paix, qui fut blessée
l’an passé. Contrairement à
avril 2007, il fut possible d’atteindre
la barrière où à l’exemple
de Luisa Morgantini, ceinte de son écharpe
de vice-présidente du Parlement Européen,
les bras se levèrent en signe de paix
face aux soldats israéliens. Un villageois
se hissa au sommet d’un poteau électrique
et déploya un drapeau palestinien. Dans
la foule de multiples drapeaux palestiniens
et de petits drapeaux indiquant l’origine
des internationalistes. Les grandes agences
mondiales sont présentes avec journalistes
et photographes. Ces derniers sont équipés
de masque à gaz. Ils ont raison. L’armée
tire des gaz lacrymogènes. Beaucoup sont
intoxiqués. Le juge italien, Giulo Toscano
est blessé à la tête, un
des dirigeant du comité populaire brûlé
à une main. Un porte-parole de l’armée
interrogé par l’AFP, affirme que
les manifestants avaient «jeté
des pierres sur les soldats, qui ont riposté».
Ce point est exact. Quelques adolescents ont
utilisés des frondes et l’armée
a tiré ensuite. Pour ma part, j’ai
vu et photographié un Palestinien –
en costume de footballeur – aller dissuader
ces jeunes. Pour disperser la manifestation,
un nouvel équipement: un véhicule
qui peut lancer 30 grenades à la fois,
arrosant un diamètre important. Cette
année l’officier en poste a eu
plus de retenue qu’en avril 2007 où
les manifestants furent attaqués dès
leur sortie du village, tant par les gaz que
par de multiples tirs de balle caoutchouc-acier.
25 blessés durent être conduits
à l’hôpital de Ramallah.
Visite à Hébron: l’organisation
«on brise le silence» ne peut plus
organiser des circuits d’information
A Hébron, surprise: la vie est revenue
dans la vieille ville, les commerces palestiniens
sont presque tous ouverts contrairement à
2004 où seulement trois commerçants
attendaient les clients. Le quotidien israélien
Haaretz du 5 juin écrit: «La semaine
dernière, un juge de la cour militaire
le major Samuel Lavie a décrété
que deux Palestiniens qui louaient à
Hébron des magasins que des colons du
quartier d’Avraham Avinou ont envahis,
avaient perdu leurs droits de locataires pour
avoir «abandonné» les propriétés…
Il a décrété qu’un
abandon forcé était aussi un abandon».Le
même journal indique aussi que le commandant
militaire d’Hébron «a signé
une ordonnance de zone militaire fermée
interdisant aux membres de l’organisation
«ON BRISE LE SILENCE» d’organiser
dans la ville des circuits d’information».
Cette association a présenté il
y a deux ans à Genève des photos
accablantes sur le comportement de militaires.
Crée en 2004, financée par l'Union
Européenne, elle vient de publier une
plaquette de cinq cents témoignages d'anciens
soldats, "témoins, comme l'écrit
Le Monde, des abus, petits ou grands,
vicieux ou criminels, perpétrés
par les troupes d'occupation israéliennes
dans la région d'Hébron".
Les colons se voient débarrasser de ces
Israéliens qui venaient témoigner
du «sale boulot» de l’armée
d’occupation. Place libre est faite aux
juifs de la diaspora qui se rendent à
Hébron.
Ainsi j’ai assisté le 7 juin
à une visite d’une trentaine d’Américains
éblouis par un marché oriental
et la présence israélienne. Trente
soldats en armes leur assuraient une protection
rapprochée pendant qu’un rabbin
faisait office de guide. Pendant ce temps à
Jérusalem un militant français
prenait des photos de militaires visitant la
mosquée du Dôme du Rocher sans
avoir ôté leurs chaussures.
André Gazut
PS. Pour toute information, le site de Bil’In
est très complet www.bilin-village.org
Et
pour les contacts contact@bilin-village.org